R’Bati Fils de Tanger 1869-1939
Il y a des villes qui parlent à ceux qui les habitent. Elles les inspirent, dessinent des arcs de rêverie autour de leur enfance, soutiennent leur imagination et fortifient la conscience qu’elles peuvent avoir de la part manquante donnée à toute existence. Ainsi Tanger et R’bati.Mohammed ben Ali R’bati est né à Rabat, mais il a grandit à Tanger et Tanger semble l’avoir aidé à se construire un destin. La ville est un roman, à chacun de s’inventer son personnage. R’bati, premier peintre de la longue histoire marocaine, ne manque pas ce rendez-vous que la ville lui avait donné.
R’bati, parce qu’il est sujet du royaume chérifien, participe à ce qui demeure pour l’Européen un inconnu. Mais en tant que fils adoptif de Tanger, il trouve chez lui, dans sa propre maison, le pays de son exil et la révélation de l’autre face du miroir : l’inconnu occidental.
C’est dans les premières années de ce siècle que le peintre, alors dans sa quarantaine, rencontre un Nazaréen, Sir John Lavery, peintre de la cour de sa Gracieuse Majesté britannique. Sir John en fait son cuisinier et l’encourage dans son art. Il l’emmène à Londres avec ses tableaux. R’bati pose devant Buckingham en jellaba, fait la conquête des Londoniennes amies de son protecteur. On le retrouve à Marseille après la Grande Guerre. Le voici pérégrin, à la découverte du pays de l’autre côté de la mer. Il travaille dans une usine de sucre, les établissements Saint-Louis, avant d’être recruté par le Tabor espagnol, puis rentre dans sa ville. Il s’assied derrière un guichet de la banque de Bilbao, au Petit Socco, puis maître chez lui, enfin, fait vivre un restaurant où il exerce ses talents, sans jamais négliger sa peinture.
Tanger l’a enfanté, lui a appris la générosité, une façon de s’accorder au monde. C’est son tour maintenant, fêté et reconnu, mais toujours prodigue de son art et de ses qualités d’homme, de rendre à la ville ce qu’elle lui a donné.
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